Poids Lourds, réduire la vitesse pour réduire l’empreinte carbone ? Pas sûr que ce soit le bon plan !
Un Post récent de France Supply Chain, se référant à un article de Reuben Fisher du Shift Project (une association française) fait l’éloge de la lenteur. Il suggère en effet de réduire la vitesse des poids lourds de 90km/h à 80km/h pour aider à préserver la planète et baisser de 4% les émissions de Gaz à Effet de Serre(GES). Cette suggestion est à première vue pleine de bon sens. Mais le bilan de la réduction de vitesse proposée n’a, comme nous allons le démontrer, qu’un impact assez faible ( 1.25% de réduction… au maximum) sur l’émission de GES. Par contre, son impact économique n’est pas bon.
Cette proposition soulève une autre question. À quelle vitesse faut-il faire circuler les poids lourds pour rester efficace économiquement et environnementalement ?
Passer la vitesse des poids lourds de 90 à 80 km/h est-il le meilleur moyen de réduire leurs émissions de GES ? Examinons les impacts de cette proposition …
Une baisse de 3,75% de gasole …
Si on réduit de 90 à 80 km/h la vitesse des poids lourds, on ne réduit que de 1.25% la production de GES. Mais le coût du transport augmente de 12.5%, dans le même rapport que la réduction de vitesse.
C’est vrai, réduire la vitesse diminue la consommation de carburant. Si on réduit la vitesse de croisière des poids lourds roulant au gazole de 90 à 80km/h (-12.5%), on dépense moins d’énergie pour vaincre la résistance de l’air (25% de réduction car la résistance de l’air augmente comme le carré de la vitesse de croisière). Cela posé, le rendement moyen d’un moteur de poids lourd n’est que de 15%. Autrement dit, si le moteur consomme 30l/h, seuls 4.5l/h servent à propulser le véhicule. Le reste part en chaleur. Donc la réduction de la résistance de l’air en passant de 90 à 80km/h permet d’économiser 25%x15%, soit 3.75% du gazole nécessaire à la propulsion. Pas loin des 4% annoncés par le Shift Project.
… mais une hausse de 12,5% du temps de camion et de chauffeur !
Mais à l’inverse le camion et son chauffeur vont rouler pendant 12.5% de temps en plus pour fournir le même service. Il faudra donc payer 12.5% de temps de camion et de chauffeur en plus. Certes cela réduira le chômage, mais il faudra aussi 12.5% de camions en plus pour livrer les mêmes quantités dans les mêmes conditions de travail. Notons que la construction et la récupération en fin de vie d’un camion supplémentaire produit au moins 20% (100T) de CO2 en plus des 500T émises pendant la durée de vie du véhicule. Le bilan carbone de cette initiative est réduit d’autant (-20%*12.5% soit -2.5%). Donc on diminuera de 1.25% (3.75%-2.5%) les émissions de GES si on réduit la vitesse de 90 à 80km/h. Toujours bon à prendre mais l’économie escomptée de 4% se réduit à 1.25% au mieux.
Quelle vitesse optimale pour les PL ?
Se pose donc la question de la vitesse optimale de circulation des poids lourds pour rester efficace économiquement et environnementalement. Réduire la vitesse est souhaitable pour baisser la consommation de carburant et améliorer la sécurité, mais va malheureusement à l’encontre de l’objectif même du transport. Si ce n’était pas le cas, on aurait sans doute intérêt à réduire encore plus la vitesse jusqu’à trouver un optimum pour le bilan carbone entre ralentir le fret et construire des véhicules ou rouler plus vite et produire moins de camions pour atteindre une consommation optimale. Remarquons qu’actuellement les constructeurs ont réglé les moteurs pour avoir un rendement optimal à 86km/h, soit pratiquement 90km/h. Évidemment, on pourrait aussi réduire les distances à parcourir, pour avoir le meilleur des mondes écologique et économique, en mettant les villes à la campagne comme le disait Alphonse Allais ou pourquoi pas, comme on commence à le faire aux Pays Bas, mettre la campagne à la ville.
Des PL rapides, remplis, efficaces, sûrs et non polluants
De manière plus réaliste, la solution de l’équation écologique et énergétique n’est pas d’avoir des camions roulant au ralenti. C’est d’avoir des poids lourds rapides, remplis, efficaces, sûrs et non polluants. Leur rapidité, leur efficacité et leur taux de remplissage doivent permettre d’en réduire le nombre et les kilomètres parcourus. Leur sureté et leur absence de pollution garantiront leur efficacité. Voilà les domaines en cours d’exploration : des camions plus rapides, profilés, autonomes, respectueux de l’environnement et efficaces. C’est la voie qu’ont empruntée les constructeurs. En plus de cela, pour augmenter le taux de remplissage des véhicules, il faut apprendre à optimiser les approvisionnements. Mais c’est une autre histoire sur laquelle nous reviendrons.
*Pour s’en convaincre, imaginons un client BTP à livrer en béton toutes les 2 heures sur un chantier à 90km de distance. À 90km/h il pourra faire l’aller-retour en 2 heures, remplissant ainsi son contrat avec un seul camion. SI on limite la vitesse à 45km/h, il faudra, pour offrir le même service, utiliser 2 camions partant en alternance toutes les 2h et faisant la navette. Le nombre de camions sur la route dépend de leur vitesse. Plus ils vont lentement plus il en faut.
Président Fondateur
DIAGMA