Votre entrepôt vient de brûler et vous ne pouvez plus livrer les commandes de vos magasins ? Ne comptez ni sur votre assurance, ni sur votre stock de sécurité pour assurer la continuité d’activité. Dans ces conditions, comment bâtir un plan pour anticiper ce type de situation ? Quelques conseils de François Rochet, Associé chez DIAGMA …
Quand on interroge des responsables Supply Chain sur cette problématique, leur premier réflexe est de penser à sécuriser l’activité par des stocks (en disposer sur un autre entrepôt). A la réflexion, cette solution est coûteuse, difficile à mettre en place et très difficile à gérer opérationnellement.
Alors si on reposait la question sous cet angle : « Et si tous vos fournisseurs étaient capables de vous livrer tous vos produits du jour au lendemain ?». Le problème serait alors très différent. Et on se replacerait au cœur de la problématique en considérant le Lead Time comme la réponse clef. En effet, le stock résulte d’un système d’organisation qui crée du Lead Time (durée entre une commande et la livraison fournisseur) et sert à couvrir cette période. De fait, mettre en place un PCA consiste donc à analyser les processus d’approvisionnement par une analyse détaillée des Lead Times.
En situation de crise, il faut comprendre que beaucoup de contraintes vont sauter et que les délais vont se raccourcir dans des proportions drastiques (j’ai vu des Lead Times de 6 mois se réduire à une semaine). Dans ce genre de situation, le comportement des acteurs va devenir inhabituel : travail en 3×8, livraison par avion) : à fait exceptionnel, Lead Time exceptionnel.
Analyse des Lead Times
En situation de crise, les Lead Times sont à analyser selon 2 axes : produits et outils de production. Côtés produits, il faut pouvoir définir les composants critiques de chaque nomenclature et veiller à mettre éventuellement des stocks de composants chez vos fournisseurs (exemple : flacon de verre). Côté fournisseurs, il faut étudier les capacités maximales qu’ils peuvent vous accorder en situation de crise. Par exemple, si un moule est une pièce de fabrication qui conditionne la capacité de production, veiller à ce que le fournisseur en ait un deuxième pour sécuriser cette capacité en cas de commande exceptionnelle. En plus des cadences par machine, il faut aussi considérer les autres contraintes de fabrication, comme les ressources opérationnelles pour de l’assemblage, par exemple.
Ces analyses prennent du temps et il convient donc d’anticiper la crise plutôt que de la subir. D’un point de vue contractuel, on peut aussi convenir avec certains fournisseurs d’accords sur les Lead Times en situation de crise. Bien sûr, on se concentrera dans un premier temps sur les produits de classe A et les principaux fournisseurs.
Analyse de la plate-forme d’entreposage
Si votre plate-forme d’entreposage est hors d’usage, il faut rapidement trouver des alternatives à cette perte de capacité de préparation de commandes. Si vous sous-traitez votre entreposage chez un grand prestataires logistique, vous pouvez réserver des capacités d’entreposage en cas de crise. Si vous gérez votre logistique en interne, cela peut être plus compliqué mais une déviation des flux d’arrivées/ départs de camions peut être effectuée vers d’autres sites. Si tel n’est pas le cas, il reste à trouver un tiers en catastrophe et à informer les fournisseurs et les chauffeurs qu’ils doivent charger/ décharger ailleurs. Ce point n’est finalement pas le plus complexe.
Analyse des S.I. : piloter au point de rupture projeté
Un autre aspect très critique est en revanche celui des systèmes d’information (S.I.). Certes, le PCA prévoit souvent une sécurisation du hardware, via des serveurs déportés, et des données, via des bases de données répliquées. Mais le problème est qu’en période de crise, les besoins ne sont pas les mêmes qu’en période de stabilité. En effet, la vraie question cruciale est déjà de savoir jusqu’à quand on tient pour chaque produit, ce qui dépend de la demande et des autres stocks disponibles dans le réseau de distribution (ex : dépôt régional, magasins, entrepôt central d’un pays limitrophe, en-cours fournisseurs…). Or, souvent dans les S.I., on a une mauvaise visibilité sur la réponse à cette question. De même, lorsque vos fournisseurs, dans l’urgence, vont vous demander quelles sont vos priorités par rapport aux ressources supplémentaires qu’ils ont enclenchées, il faut pouvoir leur répondre rapidement et sur des critères factuels. Un calcul de simulation pour voir si j’ôte mon entrepôt, voilà combien de temps je tiens et voilà les priorités de fabrication à donner aux fournisseurs est dans ce cas une solution. Ainsi, en cas de crise sur un site d’entreposage, il faut pouvoir piloter au point de rupture projeté. Concrètement, cela suppose d’avoir fait un (ou des) test(s) avec son S.I. pour simuler les flux en cas de suppression d’un entrepôt, et d’intégrer des données qui ne sont pas dans le S.I. de l’entrepôt, comme les stocks disponibles en magasin.
Tout ceci avec une structure de crise
Une organisation classique est peu adaptée à la réactivité nécessaire à ces situations. Il faut des équipes réduites avec une forte délégation et travaillant en circuits courts. Il est crucial de nommer un patron de crise, qui en relation avec le PDG, va communiquer avec les fournisseurs, les clients, la presse … et un comité de crise qui, une fois par jour, va piloter les flux en fonction des besoins et de la résorption des problèmes. De plus, il ne faut pas oublier l’effet psychologique du réseau qui risque de sur-commander pour se couvrir et mettre en place un arbitrage pour gérer la pénurie.
Autant de bonnes raisons qui expliquent pourquoi un PCA ne se résume pas à se couvrir par des surstocks et surtout, exige une bonne anticipation.
François Rochet
Associé DIAGMA
frochet@diagma.com
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